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Vladimir Bykov

Vladimir Bykov

Ce fût un léger cri qui réveilla la jeune femme avachie sur le canapé inconfortable. Sa fatigue se lisait à travers les traits marqués de son visage : les poches sous ses yeux, les veines apparentes laissant des sillons violacés sous sa peau livide, tout semblait vouloir rappeler à ses proches son état de santé déplorable. Lorsque le fruit de ses entrailles vint avec peine gravir le petit fauteuil et s'installer sur les cuisses frêles de sa mère, un sourire étira ses lèvres gercées et fissurées de part et d'autres. Ce regard brillant et ce sourire vinrent embellir son visage, d'ordinaire magnifique, mais étrangement amoché par la fatigue et la lassitude. La demoiselle aimait avec la passion d'une mère ce petit bout d'homme de trois ans à peine qui l'observait de ses grands yeux noirs, par-dessus son ventre rond d'amour. C'était une femme aimante, d'une douceur et d'une gentillesse incomparable. Ses longs cheveux bruns, son regard clair et pétillant, ses lèvres rosées toujours incurvées d'un énorme sourire. Pas un sourire faux, non, mais ce sourire qui vous vient du plus profond de vos tripes, celui que vous ne pouvez réprimer. Celui qu'elle n'arborait plus depuis un petit temps, depuis qu'elle était alitée, fatiguée, à bout de force et de vie.

"Vladimir, mon chéri..." articulèrent avec peine ses lèvres qui se coloraient de bleu. Le petit garçon tenta de grimper par dessus le gros ventre pour se rapprocher de sa maman, avant de se blottir à ses côtés, dans la chaleur aimante de ses bras. Le regard bienveillant qu'elle posait sur lui cachait toute l'anxiété qui la dévorait de l'intérieur. Sa faiblesse, son stress ne pouvait que nuirent à ce deuxième enfant qui grandissait en elle. La maladie semblait vouloir lui faire payer toutes les années de bonheur qu'elle avait vécues, à l'abri de la faucheuse et  de ses éclaireurs communément appelés Maladies, Dépression et Accidents. Mais il était l'heure du compte rendu, une facture bien prématurée pourtant.. Après tout, elle n'était âgée que de trente ans. 

Une violente contraction lui arracha un grognement vaguement réprimé, qui fût rapidement suivit d'une deuxième, tout aussi destructrice. Des larmes s'arrachèrent de ses yeux exorbités, ses pupilles dilatées prenant le pas sur ses iris.

"Mon chéri. Appelle ton père. Tout de suite." haleta-t-elle, les muscles bandés sous la douleur. Le petit brun leva un regard inquiet vers sa mère, avant de s'exécuter. 

Six heures plus tard, Anastasia Bykov donna naissance à un petit Daniil.

Six heures plus tard, Anastasia Bykov ferma les yeux, fatiguée et heureuse.

Six heures plus tard, Anastasia Bykov mourut en couche, fière et amoureuse.

Igor Bykov représente la virilité à l'état brut. Deux mètres de hauteur sur le monde, un corps taillé à la serpe et un visage aux traits durs. Sa mâchoire carrée, ses pommettes saillantes, ses sourcils épais et constamment froncés qui surplombaient un regard noir comme les abysses, tout chez cet homme incite le respect et la bienséance. Et malgré ses apparences d'homme froid et indifférent, Igor était un des pères les plus aimants qui puissent exister. C'était un peu comme s'il essayait d'aimer pour deux après la disparition de sa femme, sa perle par excellence, sa moitié, celle qui était gravée dans sa chair au même titre que ses progénitures. Il éleva Daniil et Vladimir dans une atmosphère prônant les liens familiaux et la loyauté. Au même titre que le respect et la générosité.

Igor les éleva dans l'optique d'hommes sûrs d'eux, indépendants et intelligents. 

Alors que Daniil se lançait dans des études de médecine, Vladimir, lui, finissait sa quatrième année de dur labeur en droit. Le jeune homme avait beaucoup de mal a garder la tête hors de l'eau, mais son travail acharné lui permettait de rester dans la réussite. Il bravait les embûches qui entravaient la voie vers la vie aisée avec une facilité déconcertante. Tout en lui respirait la réussite, et il faisait la fierté de son père. Cela rendit encore plus incompréhensible son soudain revirement de situation. Du jour au lendemain, Vladimir arrêta d'aller en cours, ne restait que très peu dans le cocon familial et s'aventurait toujours plus longtemps hors de sa ville. La cause ? Les emmerdes. Vladimir, en réalité, ne réussissait pas brillamment ses études grâce à son travail, mais grâce à Alex Komp. Alex, c'était celui qui lui fournissait les questions d'examen, les copions et la drogue qu'il consommait de temps en temps avec quelques potes. Alex, c'est aussi le gars qui lui réclamait toujours plus d'argent et qui augmentait sans cesse ses prix. Alex, c'est le mec qui ramena sa bande de potes pour casser la gueule de Vladimir, en guise de prévention. En gros, Alex komp, c'est l'origine des emmerdes de Vladimir. Et le jeune russe, malgré ses efforts, ne trouva jamais l'argent pour rembourser ses dettes. Il lâcha alors ses cours de droit, et se mit au service du groupe de son dealer. Alex lui avait proposé un deal. Si Vladimir leur servait d'homme de main, il n'avait plus à les rembourser. Le russe accepta.

Ainsi, l'aîné d'Igor Bykov prit beaucoup de risques. Intimidation, transport de drogue, baston.. Tout y passait, et la peur était son carburant. Il ne faisait pas ce qu'il fallait, il finissait avec du plomb dans le crâne, tout comme son père et son frère. C'était assez convaincant pour qu'il obéisse, et ce, durant de longues années.

Bouton

Aujourd'hui âgé de vingt-sept ans, le russe ne s'est pas totalement dépêtré des emmerdes. Il n'est plus sous le joug d'Alex Komp, mais sous celui d'un public déchaîné qu'il croise presque tous les soirs pour son combat journalier. Car oui, Vladimir trouve son gagne-pain dans les combats illégaux. 

Ce n'est pas une fortune qu'il rafle, mais l'argent lui permet d'habiter un appartement de piètre qualité, mais assez confortable pour l'homme qu'il est. Peut-être que son salaire de serveur y joue un peu aussi...

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